vendredi 9 mai 2014

MASIN UHARUN : le génie amazigh

MASIN UHARUN : le génie amazigh

Mohamed Haroun dit Masin est l’un de ces grands militants amazighs qui ont donné leur vie pour que l’identité amazighe ne sombre pas dans l’oubli, sous le joug des gouvernants des Etats d’Afrique du nord.
Haroune Mohamed dit Masin UharunHaroune Mohamed dit Masin Uharun
Il y avait dans la grandeur de cet homme l’esprit de Jugurtha. Il est resté jusqu’à la fin de sa vie sur terre, un Amazigh sans concession, un Kabyle révolutionnaire et un génie sans bornes. Le génie kabyle Masin Uharun est né le 13 avril 1949 à Tifrit près d’Akbou. Son père le sergent Tahar tombe au champ d’honneur en 1958. Pour l’anecdote, c’était dans la maison de sa tante qu’il y eut le premier congrès du Front de Libération Nationale, communément appelé le Congrès de la Soummam, en plein cœur de la Kabylie historique.
Agé de 11 ans, Masin Uharoun, entame sa première scolarité dans un camp militaire français avant de rejoindre le centre d’enfants de chouhadas en 1963 à El Oulma (Sétif).
Etant un surdoué, il fera trois classes en une seule année. Après l’obtention de son bac technique au lycée de Dellys, réputé comme un établissement de l’élite et le meilleur en Algérie à l’époque, il s’inscrit ensuite à la Faculté centrale d’Alger en DES Physique (sciences exactes). Preuve de sa grande intelligence et de ses intérêts multiples pour le savoir, il travaillait et étudiait, en même temps, l’astronomie à l’observatoire de Bouzaréah, tout en consacrant le reste de son temps à de la recherche sur la langue et l’identité amazighes. C’était à cette époque-là qu’il est rentré en contact avec Dda Lmulud (Mouloud Mammeri, le père de la linguistique kabyle et amazighe), alors directeur du Musée le Bardot à Alger.
Ce fut en étudiant à Dellys qu’il rencontra Mas Mohamed Made de Sidi-Aich. Ce dernier le mit en relation avec les deux fondateurs de la célèbre Académie Berbère- Agraw Imazighen, en l’occurrence Bessaoud Mohand Arab (rebaptisé Mohand Amazigh lors de son enterrement en 2002) et Hanouz Said, originaire de Sidi-Aïch et pharmacien à Paris. Cette institution historique faisait un travail de fond en vulgarisant l’histoire et l’écriture amazighe. Elle éditait principalement la fameuse revue «Imazighen», exclusivement en tifinagh. Par la suite, épris de volontarisme militant Mas Uharun créa avec d’autres compagnons de combat, notamment l’immense militant Smaïl Medjeber, la revue "Itij" (Le Soleil) éditée à Alger. Au domicile de Smaïl exactement.
L’homme sincère, l’Amazigh par excellence, Masin ne se contenta pas de mener seulement un combat intellectuel : avec d’autres militants, il estima qu’il était légitime, dans l’état actuel des choses, de recourir à la force pour faire entendre la voix du peuple amazigh et faire respecter ses droits fondamentaux. Pour ce faire, ils ont créé l’Organisation des Forces Berbères (OFB), une branche armée qui mettra en œuvre des actions armées visant les institutions étatiques et symboles d’un Etat corrompu et raciste. Pour conforter l’organisation dans ses objectifs ils ont aussi créé une revue ayant pour nom « Atmaten».
En joignant l’acte à la parole, il fut arrêté le 5 janvier 1976, au même moment avec d’autres membres de l’organisation, citant entre autres Smaïl Medjber et Hocine Cheradi, après avoir posé des bombes dans des enceintes de l’Etat algérien (Tribunaux militaires, médias à savoir la radio et la télévision de l’Etat algérien (RTA) et le journal de propagande El Moudjahid). Suite à quoi il fut condamné à perpétuité par la Cour de sûreté de l’Etat (basée à Médéa). Ses camarades et lui seront ensuite incarcérés dans le sinistre pénitencier de Lambèse. Sa mère mourra sur la route en lui rendant visite en prison.
Il ne sera libéré que onze ans et demi plus tard, le 5 juillet 1987, avec d’autres membres de l’organisation, grâce à l’action des familles et des amis auprès des instances internationales qui ont fait pression sur l’Etat algérien, comme la Fédération internationale des droits de l’homme, Amnesty International, le Comité contre la répression, la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, la Fondation-France-Libertés dirigée par Mme Danielle Mitterrand et sa Sainteté le Pape Jean-Paul II.
Mais hélas ! L’homme nous quittera le 22 mai 1996, neuf ans après sa libération, emporté par une maladie développée en prison suite aux tortures et aux traitements inhumains et dégradants qu’il avait subis durant les années de sa détention. Laissant derrière lui une veuve et deux fillettes inconsolées et inconsolables.
Malgré sa disparition brutale, malgré les années passées, l’image de l’homme est restée intacte dans l’imaginaire collectif kabyle et, au-delà, amazigh. L’homme aux mille talents : travaux scientifiques, grammaire amazighe, poésie et roman, et une ébauche de traduction du Coran en langue amazighe, demeurera sans doute l’un des plus grands militants auxquels la jeunesse ne cesse de s’identifier.
Bon orateur, grand visionnaire, idéaliste et pragmatique. Il était et il restera l’exemple à suivre pour enfin concrétiser ce rêve si cher à nos mémoires : la libération de notre peuple.
Nassim Saïd, Doctorant en droit international, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
(Sources : Benadjaoud Amer Amokrane, Salhi Mokhtar et M.O. Medjeber)

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